





















Coeur de princesse
Laurie adorait chanter. Chaque jour, après l’école, elle s’enfermait dans sa chambre et fredonnait les chansons de ses contes préférés. Sa voix était douce et brillante, mais elle chantait toujours seule, à l’abri des regards.
Un soir, alors qu’elle chantait doucement, elle n’entendit pas la porte s’ouvrir. Sa grand-mère était là, debout, les yeux pétillants d’émotion.
— Comme tu chantes bien, ma chérie ! dit-elle doucement.
Laurie sursauta et cessa immédiatement de chanter. Son cœur battait très fort.
— Je… je ne chante pas si bien que ça… murmura-t-elle en baissant les yeux.
La grand-mère s’approcha et posa une main douce sur son épaule.
— Ne dis pas ça, ma petite Laurie. Ta voix est un trésor. Un don unique.
Puis, elle sortit de sa poche un petit écrin en velours. Lorsqu’elle l’ouvrit, Laurie découvrit un collier en argent, orné d’un pendentif en forme de coeur.
— Ce collier appartenait à une princesse d’un lointain royaume. Il se transmet de génération en génération dans notre famille. Aujourd’hui, il est à toi.
Laurie regarda le bijou, fascinée. Elle le prit doucement et le passa autour de son cou.
— Merci, mamie… Il est magnifique ! Pourquoi je ne l’ai jamais vu à ton cou ?
— Quand j’étais petite, comme toi, je chantais en cachette dans ma chambre. Ma maman me l’avait offert pour m’aider à croire en moi. Mais… je n’ai jamais osé le porter. Je ne me sentais pas prête. Et tu sais… je le regrette encore aujourd’hui.
Laurie serra le pendentif contre son cœur.
— Alors je le porterai pour toi, mamie. Et je ne le quitterai jamais.
Le lendemain soir, seule dans sa chambre, Laurie se mit à fredonner une mélodie habituelle.
Mais cette fois, quelque chose d’étrange se produisit.
Le collier se mit à briller d’une lumière dorée et à vibrer doucement contre sa peau.
— Comme c’est étrange… ! chuchota Laurie, impressionnée.
Soudain, une lumière étincelante l’entoura. Avant qu’elle ne comprenne ce qui arrivait, elle sentit ses pieds quitter le sol. Un tourbillon doré l’emporta… et en un instant, elle disparut de sa chambre.
Quand la lumière s’éteignit, Laurie se retrouva dans un endroit merveilleux.
Devant elle, un immense château en cristal reflétait mille couleurs. Un vent léger faisait danser des notes de musique dans l’air. Des oiseaux chantaient en chœur, et des fleurs fredonnaient une douce mélodie.
— Où suis-je ? s’étonna Laurie.
Un rire joyeux retentit derrière elle.
— Bienvenue, Laurie !
Laurie se retourna et vit une jeune femme vêtue d’une robe scintillante. Ses longs cheveux blonds tombaient en cascade sur ses épaules et sa voix était aussi douce qu’un chant d’oiseau.
— Je suis Mélodie, princesse du Royaume de la chanson.
Laurie n’en croyait pas ses yeux.
— Je… je suis vraiment dans un monde magique ?
— Oui ! répondit Mélodie en souriant. Et ton collier est la clé de ce monde. Chaque note que tu chantes lui donne son pouvoir !
Laurie toucha son collier, émerveillée.
— Mais… pourquoi suis-je ici ?
— Parce que tu as un don précieux, Laurie. Mais tu n’as pas encore appris à l’utiliser.
— Viens, dit-elle. Je vais te présenter mes sœurs. Elles t’attendent depuis longtemps. Chacune d’elles a quelque chose de précieux à te révéler… quelque chose qui sommeille déjà en toi.
Laurie sentit son cœur battre fort et curieuse, attrapa la main de Mélodie.
Aussitôt, le sol se mit à briller sous leurs pas. Des fleurs aux pétales de notes de musique s’ouvraient sur leur passage. Les arbres chantaient doucement, et des lucioles lumineuses dansaient tout autour d’elles.
— Où allons-nous ? demanda Laurie, les yeux écarquillés.
— Dans la Forêt de l’Harmonie, dit Mélodie avec un sourire. C’est là que vit Harmonia.
Elles avancèrent entre les arbres qui chantaient doucement, jusqu’à ce qu’un sentier de feuilles dorées les conduise à une clairière enchantée.
Là, entourée d’animaux aux regards joyeux, se tenait une princesse à la robe tissée de mille sons : Princesse Harmonia.
Mélodie se tourna vers Laurie, les yeux pétillants.
— Voici la première de mes sœurs. Elle t’apprendra à ne plus chanter seule… mais à chanter avec les cœurs qui t’entourent.
Laurie sentit quelque chose d’étrange et merveilleux : une douce chaleur dans sa poitrine, comme si sa voix elle-même avait hâte d’apprendre.
Laurie s’avança doucement dans la clairière.
La princesse la regarda avec tendresse. Elle portait une couronne faite de branches tressées, de perles de rosée, et de petits grelots qui tintaient à chaque mouvement.
— Bonjour Laurie, dit-elle d’une voix aussi douce que le souffle du vent.
— Je suis Princesse Harmonia. Je vais t’apprendre la magie de chanter ensemble.
Autour d’elle, des oiseaux, des faons, et même un petit écureuil, formaient un cercle. Chacun tenait un instrument minuscule : un violon en brindille, une flûte en pétale, un tambourin de toile d’araignée.
— Tu chantes merveilleusement bien Laurie ! reprit Harmonia. Mais sais-tu que lorsqu’on unit sa voix à celle des autres, une autre magie apparaît ?
Laurie hocha doucement la tête, curieuse.
Harmonia se tourna vers les animaux.
— Commençons. Chacun va chanter un petit bout, et Laurie nous rejoindra.
Un par un, les animaux chantèrent une courte note. D’abord un peu timide, Laurie ajouta sa voix… et tout à coup, une lumière dorée s’éleva du sol.
Les sons se tissaient entre eux, créant une mélodie plus grande, plus forte, plus belle.
Laurie sourit. Sa voix dansait avec les autres. Elle n’était plus seule.
Elle était une partie d’un tout.
— C’est si beau… je n’avais jamais ressenti ça.
— Parce que tu viens de découvrir le secret, dit Harmonia. Ta voix est précieuse seule, mais quand elle s’unit à d’autres, elle devient un pont. Elle relie les cœurs.
Laurie sentit une chaleur dans son collier. Il brillait doucement, comme s’il approuvait.
— Merci, Princesse Harmonia.
— Tu es prête pour la prochaine leçon, répondit-elle avec un clin d’œil.
Et déjà, Mélodie réapparut au bord de la clairière.
— Viens Laurie. Lyra t’attend. Elle va t’apprendre à chanter… avec ton cœur. Laurie suivit Mélodie jusqu’aux grandes portes d’un château scintillant. Des notes de musique flottaient dans les couloirs comme des papillons lumineux. Lorsqu’elles poussèrent les portes dorées d’une immense salle, Laurie retint son souffle.
C’était un théâtre enchanté.
Des rideaux de velours bleu nuit descendaient du plafond comme des cascades. Le parquet brillait comme un miroir. Au centre de la scène, de vieux instruments semblaient endormis… jusqu’à ce qu’ils perçoivent la présence de Laurie.
Le piano ouvrit lentement son couvercle et joua un accord joyeux. La contrebasse se redressa en grognant doucement. Le métronome, posé sur un pupitre de cristal, se mit à battre : tic… tac… tic… tac. Et le petit violoncelle, au bois doré par le temps, vibra d’une note profonde et chaleureuse.
Assise sur un trône d’ivoire, une princesse élégante jouait déjà doucement de la harpe. Sa chevelure flamboyante brillait comme des fils de lune. Elle sourit à Laurie.
— Bienvenue, chère Laurie. Je suis Lyra, la princesse de la symphonie. Ici, chaque instrument a une âme. Et pour chanter avec eux, il faut les écouter… les comprendre… et s’accorder à leur rythme.
Laurie monta sur la scène, éblouie par la magie qui habite le théâtre.
— Ils… ils sont… vivants ?
— Oui. Et ils t’attendent. Approche.
Le piano sauta jusqu’à elle. Ses touches frémissaient d’impatience.
— Chante quelque chose de léger, souffla Lyra.
Laurie se lança timidement sur une mélodie douce et joyeuse. Le piano répondit aussitôt, ses notes virevoltant autour de la voix de Laurie comme des bulles musicales.
Puis, ce fut au tour de la contrebasse. Elle émit un grondement grave et profond.
— Essaie de suivre son rythme, dit Lyra.
Laurie ralentit, adoucit sa voix, descendit plus bas… et un sourire se dessina sur son visage. Elle sentait la musique vibrer en elle.
Le métronome battait toujours doucement. Laurie l’écouta. Elle ajusta ses notes, les plaça comme des perles sur un fil invisible.
Enfin, Lyra caressa sa harpe du bout des doigts et ajouta une mélodie lente et remplie d’émotion. Laurie ferma les yeux. Sa voix monta, descendit, se posa avec grâce sur chaque note comme une plume.
Une lumière dorée s’éleva autour d’eux. Les rideaux frémirent. Le théâtre entier vibrait à l’unisson.
— Tu vois, dit Lyra, la voix pleine de douceur. Quand tu chantes en écoutant… quand tu respectes chaque silence, chaque souffle… la musique devient un lien.
Le collier de Laurie brillait de mille feux. Il résonnait doucement, comme un accord parfait.
Laurie leva les yeux, le cœur battant.
— Merci, Princesse Lyra. J’ai l’impression… de vraiment chanter pour la première fois.
Lyra lui sourit, les yeux pétillants.
— Et ce n’est que le début. Tu es prête à poursuivre ton voyage. Une dernière sœur t’attend… une danseuse étoile.
Mélodie réapparut derrière les rideaux, une main tendue.
— Viens, Laurie. Sonora nous attend. Elle va t’apprendre à faire danser ta voix… avec tout ton corps.
Laurie suivit Mélodie jusqu’aux jardins du château. Les fleurs brillaient comme des lanternes et chantaient doucement au murmure du vent. Au bout d’un sentier bordé d’arbres argentés, Laurie découvrit un lac si pur qu’il reflétait le ciel comme un miroir.
Au milieu de l’eau, une silhouette tournoyait avec une grâce incroyable. C’était Princesse Sonora, vêtue d’une robe blanche légère comme la brume. Elle dansait sur l’eau, ses pas dessinant des cercles scintillants sur la surface.
Laurie demeurait figée devant ce spectacle irréel.
— Mais… elle vole ?
— Presque, répondit Mélodie en souriant. Elle danse comme un cygne. Regarde bien.
Sonora s’arrêta et se retourna avec douceur. D’un mouvement gracieux, elle invita Laurie du regard. Aussitôt, un petit pont de gouttelettes se forma sur l’eau pour la guider.
Laurie avança, d’abord hésitante, puis émerveillée par la sensation magique sous ses pieds. L’eau ne mouillait pas ses chaussures : elle flottait, elle glissait.
— Bienvenue, Laurie, dit Sonora d’une voix mélodieuse. Ta voix est magnifique. Mais sais-tu que ton corps peut aussi chanter ?
Laurie fronça les sourcils.
— Mon corps… chanter ?
— Oui. La danse, c’est comme une chanson sans paroles. C’est laisser sortir les émotions par les gestes, les mouvements… comme les oiseaux dans le ciel, ou les cygnes sur les lacs.
Sonora s’approcha d’elle, légère comme le vent.
— Ferme les yeux. Respire. Et pense à ton chant préféré. Laisse ton corps le suivre. Pas besoin d’être parfaite. Juste sincère.
Laurie ferma les yeux, inspira doucement… et commença à bouger. Elle leva les bras, tourna lentement, écoutant la musique de l’eau. Ses pas devinrent plus souples, plus libres. Elle battit des bras comme des ailes… et elle rit.
— C’est comme voler !
Sonora l’accompagna, leurs mouvements se répondant comme deux oiseaux unis dans une même chorégraphie. L’eau s’illuminait à chaque pas, dessinant des plumes dorées autour d’elles.
— C’est ça Laurie ! dit Sonora en riant doucement. Tu es un cygne… Tu es belle quand tu oses être toi-même.
Quand la danse s’acheva, le lac brilla une dernière fois sous le regard émerveillé des cygnes.
Le collier autour de son cou scintilla encore plus fort.
Mélodie revint, les yeux pétillants.
— Tu es prête, Laurie. Ton voyage dans le monde des princesses s’achève. Il est temps de retourner dans ton monde… et de partager tout ce que tu as appris… et celle que tu es devenue.
Laurie serra la main de Sonora, le cœur battant, les yeux brillants.
— Merci… à toutes. Grâce à vous, je n’ai plus peur. Je vais chanter… et danser… pour faire rêver à mon tour.
Un dernier éclat de lumière l’entoura et, en un clin d’œil, Laurie était de retour dans sa chambre.
Tout semblait normal, sauf une chose… Elle n’avait plus peur.
Les jours passèrent. Laurie recommença à chanter, d’abord seule dans sa chambre, puis devant sa famille… puis ses amis.
Un jour, une école de musique l’invita à chanter lors d’un petit spectacle. Ce fut sa première scène… mais pas la dernière.
Depuis ce jour, Laurie chante sur scène les chansons inspirées de son voyage. Des chansons pleines de lumière, de rêve et de magie.
À chaque chanson, elle repense aux princesses qui l’ont guidée : Harmonia, Lyra, Sonora, et la bienveillance de Mélodie.
Et quand elle chante, les enfants ferment les yeux… et voyagent à leur tour dans le royaume des contes.
Son collier scintille toujours discrètement sous les projecteurs.
Comme pour lui rappeler que la magie existe… chaque fois qu’elle ose être elle-même.